« Le couloir… »
La voix de la jeune fille était roque, comme si une horrible brûlure lui lacérait la gorge.
« Les prisonniers… »
Diane la vit fermer les yeux.
« Ils sont là… Ah ! »
Son corps était secoué par des tremblements.
« Non ! Je ne veux pas ! »
Elle s’agitait.
« Pourquoi personne ne l’en empêche ! »
Elle suffoquait.
« Ouvre les yeux, lui ordonna Diane.
– Mais où va-t-il ? Où… »
Et elle s’évanouit.
* * *
Diane avait les yeux posés sur la pelouse du jardin. Les idées noires fusaient en elle comme des étoiles filantes. Une fois de plus, elle avait échoué. Les experts lui avaient proposé d’envoyer une enfant résoudre l’énigme du couloir des Damnés, et en parfaite ignorante, elle les avait encouragés. Aujourd’hui, elle regrettait son choix. L’adolescente était morte. Morte avec ses illusions. Bien malgré que l’orpheline avait choisi de les aider par elle-même, Diane n’aurait jamais pensé que les âmes du couloir puissent pénétrer en elle jusqu’à la réduire à néant.
Pour préserver son esprit tortueux loin des cimetières, on avait dû la brûler à vif. Et comme la victime n’aurait jamais souhaité finir seule, Diane avait assisté à la scène, les larmes coulant abondamment sur ses joues. Seul Cole, son cher et tendre, était parvenu à la mouvoir et à l’empêcher d’aller rejoindre ce corps calciné. Cole… Que ferait-elle sans lui ? À y penser, elle sentit un sourire lui balayer les lèvres.
Ce fut d’ailleurs l’instant que choisit l’homme pour se manifester. Il déambula les marches de l’escalier et alla la rejoindre au milieu du jardin pour pouvoir la serrer dans ses bras. Ce geste réchauffa aussitôt le corps de Diane, qui n’hésita pas à se blottir davantage contre lui.
« À quoi tu penses ?
– À la mort, aux Damnés et… à toi.
– C’est réciproque. J’ai passé ma journée à penser à ma femme.
– Moi, j’ai passé la journée à me demander si je ne devrais pas plutôt enquêter moi-même sur ces Damnés. »
Cole s’immobilisa brusquement. Sa voix de velours sembla s’enflammer.
« Tu es folle !
– Comprends donc, il le faut…
– Il faut quoi ? Que tu te suicides ? Ils cherchent juste à te déstabiliser, Diane, ne les écoute pas !
– Arrête, les experts ne m’ont rien conseillé du tout.
– Mensonge.
– Cole… » Les larmes débordaient déjà des yeux de la jeune femme.
Cole s’écarta d’elle pour la toiser d’un air perdu, atrophié.
« Tu ne peux pas faire ça ! »
Puis il s’en retourna dans leur demeure.
Une fois qu’il fut hors de vue, Diane se mit à pleurer en silence entre les fleurs diaprées de rose qui s’écoulaient à ses pieds. L’obscurité sembla l’engloutir, et ses paupières, s’alourdir. Puis, contre toute attente, son corps tout entier fut secoué par des tremblements. Elle trébucha entre les fleurs et s’évanouit.