« Chacun d’entre nous espère avoir une enfance merveilleuse, qu’à l’heure d’aujourd’hui, lorsque tu y repenses, un sourire se dessine sur tes lèvres. Tu le souhaites, au plus profond de toi-même. Mais lorsque tu te rends compte que cela ne sera le cas, que ce ne sera ton cas, tout s’écroule. Tout commence par un désespoir qui grandit peu à peu en toi, puis par une honte qui se termine en une haine inexpliquée et inexplicable. La haine qui gronde en toi finit par se dévoiler ; Tu ne peux te contrôler, alors tu frappes. Vlan, vlan. Sur qui ? Tu ne peux répondre à cette question. Cette haine t’aveuglerait-elle ? Peut-être.
Rappelle-toi, Gainsbourg. Souvent, alors que ma mère travaillait de nuit, mon père se devait de nous garder. Elle regrettait de partir, nous laissant avec cet être abominable. Ils nous enferment dans la cave, Ezra et moi. Il y a un escalier, un escalier qu’on connaissait tant. À pas lents, mon petit frère descend, sachant les conséquences si on désobéissait. Mais, je refuse. Je ne veux pas retourner dans cette obscurité malveillante ; Alors, il m’y pousse, d’une simple ruée. Je roule sur les marches de pierre jusqu’au fond, bousculant celui que j’aimais le plus. La porte se referme sur la lumière. Encore et encore. Blottis l’un contre l’autre, je n’en demandais pas tant. C’était notre vie, une vie qui ne cessera jamais.
Quoi que tu dises, quoi que tu fasses, il y aura toujours des difficultés ; Difficultés qui te suivront, où que tu ailles. Difficultés qui t’emmerderont, sans que tu ne le saches. Mais, cela en est trop. Tu finis par craquer ; Tu ne peux plus supporter ton père, les coups, les douleurs. Tu cherches à parler, à expliquer ce que tu ressens. Tu cherches désespérément, mais tu ne trouves pas. Tu ne trouves rien. Un petit frère ne suffit pas, tu ne peux lui confier tes peurs ou tes angoisses. Tu dois être le plus grand, le plus fort, le garçon protecteur. Tu n’as peut-être plus ton père mais il te reste ta mère.
Rappelle-toi, Gainsbourg. Ma tête sur ses genoux, ses mains se promenaient sur mon dos, effleurant certains bleus douloureux. Normalement, cela devrait me faire du bien, et pourtant. Je ne peux retenir mes larmes. J’ai envie de lui dire à quel point, je souffre. À quel point, c’est dur. Mon père arrive, elle se lève me poussant, légèrement. Je lui tends la main, mais mon père me la prend, me bousculant afin que je tombe à terre. Il crie, me demandant qu’est-ce que je lui avais dit. Rien, Papa. Rien. Alors, il frappe. Avec sa jambe dans les miennes. Il frappe, frappe, frappe. Vlan, vlan, vlan. Celles-ci me font atrocement mal. Je crois qu’elles ne me portent plus.
Silence. Ce silence constant. Te taire ; chose que tu devais respecter, règle à ne pas enfreindre. Il ne fallait dévoiler tes sentiments, tes peurs. Jamais. Il ne fallait jamais penser à cela, sinon tu risquais énormément. Ne pas montrer les larmes coulant sur tes joues, ce que tu risquais ? La mort.
La mort peut arriver à tout moment ; Par accident, par maladie, ou subitement. Il y a différentes façons de mourir ; La vieillesse, ou encore, l’assassinat. En ce monde, cette dernière façon devient de plus en plus fréquente. Le pire serait que ton assassin soit l’un de tes proches. Tu as tellement peur que tu y penses, sans cesse. Cela peut être un voisin, un cousin, ou je ne sais ; Mais lorsque tu as vécu une telle enfance, tu penses à une personne en particulier. Une personne qui - normalement - devrait te prendre par la main et te dire « Je t’aime . » Tu as une petite idée ? Cet homme-ci, en effet.
Rappelle-toi, Gainsbourg. Mes jambes, courant aussi vite qu’elles le pouvaient, je le cherchais du regard. Criant son nom de toutes mes forces, aucun réponse. S’il était parti là où je pensais, jamais, je ne pourrais m’en remettre. Le long couloir parcourant notre maison, la cour en face de celle-ci, le jardin … La cabane. Poussant la porte, je le vis, caché dans un coin. Un soupir s’échappa de ma bouche, avant que je le prenne dans mes bras. Il jouait, avec de misérables brindilles. Un jeu peut-être puéril, mais qu’importe. Il était vivant.
C’est peut-être difficile à croire mais l’enfance est passée. Tu as grandi, devenant une personne mature et remarquable. Tu n’y croyais pas, c’était ton rêve. L’horreur de cette enfance meurtrie a cessé et tu goûteras, enfin, au bonheur. Du moins, tu l’espérais. Tu as connu le sourire joyeux que l’on peut avoir sur ses propres lèvres, tu as connu la lueur dans nos propres yeux. Tu finis par oublier ton père, peu à peu même si cela n’est pas facile. À l’heure d’aujourd’hui, tu te souviens de tes premières conquêtes amoureuses, de tes premiers rapports sexuels, de tes derniers résultats scolaires. Tu grandis si vite, tu deviens un homme te considérant comme une personne heureuse. Mais, tu sais qu’il y a un problème ; Un problème qui risquerait de surgir du passé. Cela te démange mais tu ne sais d’où vient la raison. Alors, tu protèges ; Toi comme tes proches. Ton petit frère, celui que tu aimais tant, celui qui te connaissait tant. C’était peut-être ta seule raison de vivre sur cette Terre. Pour son bien, tu lui as proposé de se faire consulter par un spécialiste et tout s’arrêta. Tout changea. Tu es resté quelques jours en sa présence, de façon à ce que son sourire soit en toi, qu’il soit gravé dans ta mémoire. Quelques jours pour lui dire au revoir.
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